Les salariés enrôlés pour faire face à la crise sanitaire

Suite à la loi d’urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 prise pour faire face à l’épidémie de Covid-19, trois ordonnances ont été présentées par la ministre du travail :

Nous vous proposons de présenter les changements introduits par ces trois ordonnances et les conditions de leur mise en oeuvre.


Qu’est-ce qui change ?

ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS DE VERSEMENT DE L’INDEMNITÉ COMPLÉMENTAIRE EN CAS DE MALADIE :

Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, l’indemnité complémentaire en cas de maladie est versée plus largement :

  • Elle est versée quelque soit l’ancienneté du salarié;
  • Les salariés travaillant à domicile, les salariés saisonniers, les salariés intermittents et aux salariés temporaires, normalement exclus, peuvent en bénéficier.

Deux cas de figure pour la mise en oeuvre de ces dispositions :

  • Les salariés qui bénéficient d’un arrêt de travail en application des dispositions spécifiques à l’épidémie (art 16-10-1 du Code de sécurité social), pourront bénéficier de l’indemnité complémentaire sans avoir à respecter le délai de 48 heures pour la communication de l’arrêt et peu importe qu’ils soient soignés sur le territoire français ou à l’étranger.
  • Les salariés qui bénéficient d’un certificat médical classique doivent quant à eux toujours le communiquer sous 48h à l’employeur.

REPORT DU VERSEMENT DE LA PARTICIPATION ET DE L’INTÉRESSEMENT :

A titre exceptionnel, il a été ouvert aux entreprises, le report au 31 décembre 2020 du versement des sommes liées à la participation ou l’intéressement. Il en va évidemment de même pour l’affectation sur un plan d’épargne salariale ou un compte courant bloqué.

PROLONGATION DU VERSEMENT DES REVENUS DE REMPLACEMENT :

Pour les salariés percevant actuellement un revenu de remplacement qui arriverait en fin de droit pendant la crise, il a été prévu exceptionnellement la prorogation du versement de l’indemnité.

Cela concerne les salariés percevant :

  • L’allocation de retour à l’emploi (ARE)
  • L’allocation de solidarité spécifique (ASS)

LES CONGÉS AU SERVICE DE L’ENTREPRISE EN 2020 :

1) Les congés payés

Pour espérer jouer sur les congés payés en 2020, il faudra passer par un accord d’entreprise, ou, à défaut, un accord de branche.

Rappelons que l’accord d’entreprise primera sur l’éventuelle accord de branche, les congés payés ne figurant pas dans la liste restreinte des domaines réservés à la branche depuis l’ordonnance dite “Macron” de septembre 2017.

L’accord devra déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur est autorisé à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période estivale (1er mai au 31 octobre), ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés.

L’ordonnance pose des limites :

  • six jours de congés maximum devraient pouvoir être imposés;
  • et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc.

Autre possibilité pour l’employeur :

  • fractionner les congés sans l’accord du salarié, c’est à dire les imposer de manière discontinue;
  • fixer les dates des congés sans être tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans son entreprise.

2) Les autres jours de repos

En dehors cette fois-ci de tout accord d’entreprise ou de branche, concernant les RTT ou les jours de repos prévus dans le cadre de convention de forfait, l’employeur peut :

  • Imposer la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos au choix du salarié acquis par ce dernier ;
  • Modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos.

Il est aussi permis à l’employeur d’imposer que les droits affectés sur le compte épargne-temps d’un salarié soient utilisés par la prise de jours de repos, la encore sans passer par un accord d’entreprise ou de branche.

Dans tous les cas, le délai de prévenance est d’au moins un jour franc.

En tout, l’ordonnance limite à 10 jours le nombre de jours de repos pouvant être imposés par l’employeur, en plus des 6 jours de congés payés.

La possibilité d’imposer ou de modifier les congés et RTT ne pourra s’étendre au-delà du 31 décembre 2020. Ces dérogations devront donc être encore possible pour toute l’année 2020 et même après la levée des mesures de confinement.

LA MOBILISATION ACCRUE DES SALARIES ET L’ALLONGEMENT DE LA DURÉE DU TRAVAIL:

Les dérogations en matière de durée du travail sont réservées aux entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale.

Celles-ci seront listées par décret mais on peut s’attendre à retrouver celles de l’énergie, des télécoms, de la logistique, des transports, de l’agriculture, ou encore de la filière agro-alimentaire.

L’ordonnance permet de lever les verrous en matière de temps de travail et de repos des salariés :

  • 12 heures par jour maximum, au lieu de 10 heures ;
  • 12 heures par nuit maximum, au lieu de 8 heures, avec l’octroi d’un repos compensateur égal au dépassement de la durée de base.
  • 9 heures de repos quotidien minimum, au lieu de 11 heures, avec la aussi l’octroi d’un repos compensateur équivalent à la différence.
  • 60 heures par semaines maximum, au lieu de 48 heures;
  • 48 heures de jour en moyenne sur 12 semaines, au lieu de 44 heures;
  • 44 heures de nuit en moyenne sur 12 semaines, au lieu de 40 heures.

Visiblement, toutes ces dérogations ne seront pas forcément ouvertes à tous les secteurs d’activités concernés.

En effet, le décret devra préciser pour chaque secteur d’activité concerné, quelles dérogations lui seront ouvertes. Le décret pourra aussi prévoir pour certains secteurs, des dérogations moins larges que celles énoncées, qui représentent le maximum admissible.

Enfin, pour les entreprises listées par décret et pour celles qui assurent des prestations nécessaires à l’accomplissement de l’activité principale des entreprises susvisées, le repos hebdomadaire pourra être fixé par roulement et ne sera pas nécessairement donné le dimanche.

La encore, ces dérogations sont ouvertes jusqu’au 31 décembre 2020.

Une interrogation peut légitimement se poser concernant le droit européen. En effet, la  directive européenne sur le temps de travail (2003/88/CE) impose aux États membres de l’UE de garantir à tous les travailleurs des droits précis en matière de temps de travail maximum et de temps de repos. Les seuils posés par cette directive, censée assurer la santé et la sécurité des travailleurs, sont clairement outrepassés par l’ordonnance présentée.

Reste donc à savoir si les mêmes dérogations seront ouvertes au niveau européen.

Il est important de rappeler que la sécurité des salariés en poste devra être assurée par la prise de mesures suffisantes pour limiter les risques de contamination. A défaut, le droit de retrait pourrait être envisagé.