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Arrêt CA GRENOBLE du 6 juillet 2023 : Nouveau rejet des barèmes “MACRON”

By 18 juillet 2023Non classé

Les barèmes “Macron” peu dissuasifs et globalement inadéquats, pris en violation d’un engagement international ratifié par la France.

Récemment, la Cour d’appel de Grenoble a de nouveau eu à statuer sur la question de l’application des barèmes « Macron », dans le cadre d’un dossier d’un salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté.

Depuis les arrêts du 11 mai 2022 de la Cour de cassation validant les barèmes « Macron », le cabinet n’a cessé de défendre la notion de préjudice personnel et de réparation intégrale.

Les barèmes « Macron » apparaissaient particulièrement insuffisants pour les petites anciennetés et particulièrement peu dissuasifs.

Rappelons que la Cour de cassation pour retenir le caractère dissuasif du barème d’indemnisation de l’article L1235-3 du Code du travail, la Haute Juridiction le rattache à l’article L1235-4 du Code du travail, prévoyant le remboursement par l’employeur des indemnités Pôle Emploi perçues par le salarié :

« Il en résulte, d’autre part, que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions précitées de l’article L. 1235-4 du code du travail. »

                                                                               Cass soc., 11 mai 2022, n°21-14490 et n°21-15247

Or, nous soutenions que pour les salariés de moins de deux ans d’ancienneté et les entreprises de moins de 11 salariés, L1235-5 du Code du travail prévoyait précisément que le remboursement des indemnités Pôle Emploi n’est pas applicable.

(voir en ce sens https://www.village-justice.com/articles/les-baremes-macron-oui-fin-prejudice-personnel-non,42959.html)

Ce point, totalement passé sous silence par la Cour de cassation, dans son arrêt du 11 mai 2022, privait totalement d’effet dissuasif les barèmes. 

C’est cet argumentaire qui était soutenu, par le cabinet, devant la Cour d’appel de Grenoble dans l’arrêt du 6 juillet 2023.

La Cour d’Appel a précisément souligné ce point en notant que l’effet dissuasif de l’article L1235-4 se trouvait « largement amoindri par l’exception très large énoncée à l’article L1235-5 du même code ».

Mais la Cour d’appel de Grenoble ne s’est pas contentée d’écarter l’application des barèmes pour les petites anciennetés, elle est allée plus loin en écartant  les barèmes de façon globale, par un raisonnement juridique particulièrement fin et précis, en retenant que 

  •          Si la charte sociale européenne n’a pas d’effet direct en droit interne, le contrôle de conventionalité autorise le juge “à laisser inappliquée une loi contraire à un engagement signé et ratifié par la France”
  •  En plus d’un effet dissuasif amoindri par l’exception de l’article L1235-5 le barème ne remplit pas la seconde condition cumulative d’une réparation adéquate du fait du défaut de « prise en compte de l’ensemble des circonstances particulières de l’espèce ».

Sur ce second point la Cour se livre à une analyse précise et détaillée du rapport de décembre 2021 du Comité d’évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 qui, selon la Cour, confirme que ces barèmes « ne permettent pas une indemnisation adéquate des licenciements sans cause réelle et sérieuse en particulier, mais pas exclusivement, pour les salariés ayant une ancienneté faible ou réduite. 

À titre d’exemple, avant l’application du barème 55% des indemnités accordées par les juges étaient supérieurs au plafond, et 63% de ces dossiers concernées des salariés ayant moins de 5 ans d’ancienneté.

À n’en pas douter, cet arrêt de la Cour d’Appel de Grenoble, dont la motivation juridique apparaît implacable, devrait permettre de revenir à une plus juste appréciation du préjudice personnel.